Identification et Attribution de la
Première Horloge à Pendule de


CHRISTIAAN HUYGENS.




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INTRODUCTION

Bien que cela soit souvent le cas, il est toujours embarrassant, à la découverte de nouveaux éléments d’appréciation, de devoir remettre en cause des thèses jusqu’alors admises comme acquises. Dans l’affaire qui nous occupe, l’identification de ce qui est très probablement la toute première horloge à pendule et son attribution à Christian Huygens, contraint de rouvrir une page de l’histoire de la mesure du temps, que l’on pensait tournée depuis longtemps grâce aux travaux de chercheurs de grande réputation. Les théories, selon lesquelles, Salomon Coster fut le premier horloger de Christian Huygens, ou que ce dernier ait pu développer son invention sans l’assistance d’un horloger, sont radicalement remises en cause.

CHRISTIAN HUYGENS N’A PAS CONSTRUIT SEUL LES TOUTES PREMIERES HORLOGES A PENDULE.

Christian Huygens ne cite aucun horloger comme ayant été associé  au développement de son invention.  Cependant, il ne peut avoir changé les règles de pensée et de réflexion scientifique, de toute une profession centenaire, sans les avoir lui même expérimentées sur des instruments, spécialement conçu pour lui à cet effet. Cela eut été contraire au pragmatisme de ses méthodes de travail qui imposaient l’usage de valeurs de grande précision. En l’occurrence, il avait impérativement besoin de connaître les limites et la portée de son invention avant de la rendre publique.

Huygens date son invention du 25 décembre 1656(1 Cette date ne peut être considérée comme celle d’une inspiration soudaine,  l’idée de l’application du pendule aux horloges, n’a pas été aussi spontanée que ne le fut pour Archimède,  la révélation de son principe.  En fait, bien qu’il ait souvent été dit que Huygens avait adapté le pendule aux mouvements d’horlogerie, il est sans doute plus correct de dire, qu’il a mis les mouvements d’horlogerie en conformité avec les lois du pendule.

L’objectif de son intention était plus, à l’origine, de libérer les astronomes de la contrainte d’avoir à lancer manuellement un pendule, qui était alors utilisé pour leurs observations, puis de compter ses oscillations pour en mesurer la durée (2 .

Après avoir réalisé à quel point cela pouvait améliorer la précision des mouvements d’horlogerie, il avait très certainement commandé une horloge, perfectionnée de cette manière. Dans ces conditions, la date de Noël 1656 marque probablement la fin de la mise au point du dernier élément manquant, comme la fin des essais de cette machine expérimentale.  

Ce sont à n’en point douter,  les performances exceptionnelles de ce dispositif, qui ont amené Christian Huygens, à prendre la décision de rendre publique ses espoirs de résoudre le problème du calcul de la longitude en mer par la mesure du temps (3. Vers le début des années 1657, il devait déjà  avoir  réussi à franchir deux paliers dans la précision, par rapport aux garde-temps antérieurs à l’invention du pendule, parvenant à des résultats de l’ordre de quelques secondes par jour. Comment autrement, un homme scientifique tel que lui, aurait il pu se flatter d’une invention susceptible de résoudre le problème des longitudes ? En dehors de ce domaine bien spécifique, il avait impérativement besoin de disposer pour ses observations astronomique, du garde-temps, le plus précis possible, en particulier, pour ses études sur l’accélération de la marche et ses recherches sur l’accélération constante de la gravitation, domaine dans lequel, son pendule conique lui a permis plus tard de trouver la solution. Dans ces conditions, la logique seule permet de penser, que dès que Huygens a pris conscience du véritable potentiel de l’échappement associé à un pendule, il a ordonné la  mise en fabrication de la meilleure machine possible, afin de permettre la poursuite de ses expériences.

Tout confirme, ce que la seule logique permet de supposer. Il y a tout d’abord les résultats matériels de ses expériences sur les perfectionnements qu’il a développé, avant de déposer son brevet :

Le dispositif de maintien sous tension du ressort moteur, pendant le remontage.
Un train de roues optimal.
Une fourchette de pendule avec suspension flexible et courbes isochrones (4.

A elle seule, la proposition de Wendelin (1589-1667) sur la variation des saisons, aurait nécessité plusieurs mois, pour être correctement évaluée.(5

Il se trouve par ailleurs un certain nombre de preuves écrites. Il les évoque le 1er novembre 1658, dans une lettre adressée à Pierre Petit :

"...J’ai tout d’abord suspendu mon pendule entre deux lames incurvées …. que par expérience j’ai appris… à façonner… Et je me souviens d’avoir si bien réglé deux horloges de cette manière, qu’en trois jours, elles n’ont même pas marqué une différence d’une seule seconde, bien que dans la même période, j’ai souvent changé leurs poids, tantôt pour des plus lourds, tantôt pour des plus légers "(6.

Il est tentant de penser, que c’est la perfection apportée par ces courbes cycloïdales isochrones, bien qu’elles aient été obtenues de manière empirique, qui est commémorée par la date du 25  décembre 1656.

Pour l’un des plus éminents géomètres de son temps, la solution d’un problème, aussi complexe que contrariant pour lui que la cadrature du cercle, a du être particulièrement agréable, un véritable soulagement. Quoi qu’il en soit, il est clair, à la lecture de ce passage, qu’il a façonné la courbure de ses lames cycloïdales d’une façon empirique, par des expériences sur (au moins) deux horloges à poids indiquant les secondes. Dans la mesure où la courbe de ces lames, fait partie intégrante de l’invention de Huygens, ces expériences ont du se dérouler dans le courant de l’année 1656. En avril 1657, soit deux mois avant le dépôt du brevet, Claude Mylon (1618-1660), dans une lettre, émet le souhait, que l’horloge de Huygens, puisse fonctionner tout aussi bien avec un ressort moteur, qu’avec des poids,

.. rien ne serait plus souhaitable pour le calcul des longitudes.. » (7

CE N’EST PAS SALOMON COSTER QUI LES A CONSTRUIT POUR LUI

Dans ces conditions, qui a construit ces horloges? En particulier, qui a réalisé celle qui est dessinée dans la demande du brevet, en date du 14 juin 1657, qui a été accordée deux jours plus tard, après l’examen de ce garde-temps, par une commission des Etats Généraux de la Hollande Unifiée? Il a paru logique d’en conclure, que la réponse à ces deux questions, est que Huygens avait chargé Salomon Coster de cette mission. Avant d’aborder les raisons qui ont amené Huygens à renoncer à son premier horloger, il est nécessaire de mettre en lumière tous les éléments de preuves, qui vont à l’encontre de la participation de Coster à toute cette partie de la phase expérimentale.

Tout d’abord, un passage déjà cité d’Horologium, désignant Coster, est particulièrement ambigu et pause problème. Huygens écrit en effet (8

.« …. des praticiens compétents que j’avais informées du principe de cette invention, ont été en mesure d’y apporter un certain nombre d’améliorations, ils ont en particulier trouvé le moyen de l’adapter sans difficulté à différentes sortes d’horloges, ainsi qu’à celles, déjà terminées depuis très longtemps, telles qu’elles étaient conçues autrefois. J’ai vu en particulier, dans l’atelier de celui que j’avais tout d’abord employé pour ces constructions, des pendules complètement terminées, qui fonctionnaient, non pas avec des poids, mais par la force d’un ressort. Dan ce type de travail, jusqu’à présent, les variations de la force motrice, entre le moment où le ressort vient d’être remonté et celui où il est pratiquement détendu, étaient compensées par une fusée sur laquelle était enroulée une corde à boyau ; ce procédé a maintenant été abandonnées au profit de mécanismes dans lesquels, les dents des roues engrènent directement sur celles du barillet qui contient le ressort moteur….. …… je ne parle pas ici, de ces horloges qui ont été conçues pour sonner et pour marcher, avec un seul et même mécanisme (qu’il soit à poids ou à ressort) utilisé tout à la fois pour la sonnerie et pour faire tourner les aiguilles, car elles n’ont absolument rien à voir avec mon invention ».

Qui, à par Coster, pouvaient bien être ces praticiens qui ont pu apporter de telles contributions à l’invention de Huygens ? Pourquoi emploie-t-il la phrase « lui, qui a tout d’abord travaillé pour moi » si, ainsi qu’on l’a toujours pensé, Huygens n’avait pris qu’un seul brevet à l’époque où il écrivait ces lignes ? Partant du fait que Huygens ait pu ainsi faire allusion à Coster, ainsi qu’il l’a fait dans sa lettre à Pierre Petit (1598-1677) en date du 1er novembre 1658, en écrivant « mon ouvrier » ou encore par exemple, mon licencié ?

 De même, les mots : « J’ai effectivement vu dans l’atelier »(9 peuvent difficilement s’appliquer aux l’horloges de Coster, telles qu’il les décrit au début du chapitre, comme ayant existé en plusieurs exemplaires… déjà prêtes à être mises en vente ou à être expédiées pour différentes destinations. S’agissait-il alors, des horloges, terminées depuis longtemps à l’ancienne manière (maintenant converties à pendule), que Huygens avait effectivement vues, dans l’atelier de cet horloger ? Cette interprétation aurait mieux convenu aux expressions absolument ou véritablement et à horloges terminées (« talia quoque confecta ». On peut parfaitement imaginer par exemple, qu’il ait pu voir, des horloges de tables horizontales, dressées sur une de leurs faces latérales et sur lesquelles un pendule aurait été adapté à la place du balancier circulaire. La dernière partie du paragraphe ci dessus, commence par : « maintenant elles sont abandonnées » (l’usage du couple fusée et chaine) parlant de barillet denté ou d’horloges avec barillets montés en tandem. Ces termes pourraient également convenir pour les horloges à pendule de Coster avec ressort moteur. Quoi qu’il en soit, elles peuvent aussi fort bien ne pas être les horloges vues dans l’atelier de celui, que Huygens a tout d’abord fait travailler. Enfin, l’identité de ce premier employé, dépend de l’identification précise de l’expression « ces constructions », qui peuvent tout aussi bien concerner des horloges commerciales, disponibles pour la vente, et non des horloges expérimentales.

Les circonstances dans lesquelles la demande de brevet a été rédigée, peuvent être dans ces conditions, déterminantes. Huygens autorise Coster à présenter sa demande de brevet pour son propre compte. Cela pourrait apparaître comme une confiance inhabituelle de la part de Huygens, et permet de penser que le savant était très sûr de lui et pensait contrôler parfaitement la situation. On sait que le dessin de l’horloge, est de la propre main de Christian Huygens et que la commission des Etats Généraux était venue l’examiner, avant de donner son agrément deux jours plus tard (10 Ils font par conséquence référence à cette horloge, comme à celle faite par Huygens (gepractiseert by’(11)  avec permission donnée à Coster de la copier (naer te maeken (12). Ceci confirme l’impression que Coster a présenté au Comité une horloge, qui n’avait pas été construite par lui.

En résumé, il n’existe aucune preuves écrites permettant de penser que Coster ait pu être autre chose que le bénéficiaire aussi soudain que fortuné du privilège commercial de Huygens.

Un certain nombre de preuves tangibles permettent au contraire, de soutenir cette thèse. Aucune des sept horloges de Coster, actuellement connues, présente la moindre trace de la rigueur scientifique de Christian Huygens. Un simple barillet denté, le mouvement s’articulant dans le cabinet par une charnière, et surtout l’absence de l’indication des secondes, démontrent au contraire, le manque d’ambition de ces horloges, pourtant basées sur des principes aussi révolutionnaires. Force est bien d’en conclure que Huygens les considérait comme de simples garde-temps destinés à un usage domestique. Elles justifient ainsi cependant, l’engouement qu’elles suscitent de nos jours chez les amateurs d’antiquités. La plaque sur laquelle elles sont datées, avec son inscription « Met privilège », revêt dans ces conditions la plus haute importance. Il est en effet exceptionnel que des horloges soient datées, quelle que soit l’époque de leur fabrication. Il est néanmoins possible, que ces plaques témoignent que Coster avait bien acquitté le montant de la redevance qu’il devait à Huygens pour la licence, sur chacune de ces pièces. Il bien est possibles que toutes ces plaques avaient été fournies, avec la date et la mention : Met privilège, déjà gravé en facsimilé d’une écriture manuscrite, et peut-être la date, mais rien de plus (le reste était laissé en blanc, pour que le nom de l’horloger puisse y être gravé plus tard, quand l’horloge aurait été vendue (13 Les partisans de Coster peuvent bien se plaindre qu’on n’ait retrouvé de son œuvre, que des horloges à usage domestique d’une qualité relativement médiocre, il doivent néanmoins reconnaitre que dans ses listes de prix, il n’a été trouvé aucune trace d’œuvres plus élaborées, alors qu’il n’y a aucune raison qu’elles n’aient pas été, ne serai-ce que mentionné pour mémoire.


QUELLES ONT PU ETRE LES RAISONS, POUR
QU’IL AIT CHANGE D’HORLOGER.

Pour quelles raisons Huygens aurait-il changé d’horloger ? Il en existe au mois trois, pour justifier de cette décision. Il explique lui même tout d’abord, au début de son « Horologium », qu’il avait souhaité donner à sa patrie de naissance, la Hollande, le bénéfice de son invention. Si ce pays n’avait pas été la patrie de son horloger, ou tout au moins, celui de son domicile, des problèmes de propriété intellectuelle auraient été inévitables. Le fait que Huygens insiste sur ce souhait, indique qu’il y avait en la matière, un problème qui dépassait la simple question de patriotisme, aisément compréhensible en la circonstance. Deuxièmement, la propriété intellectuelle de son invention, était ce que Huygens possédait de plus précieux. Il est également possible qu’il ait pensé préférable de séparer son invention proprement dite, de son exploitation commerciale, afin de mieux la protéger. Troisièmement, étant à l’avant garde des recherches dans le domaine des sciences physiques, il était clairement à son avantage de pouvoir disposer de garde-temps plus précis que ceux de ses concurrents. Il peut dans ces conditions, avoir délibérément décidé de ne mettre sur le marché que les productions, déjà disponibles, d’une qualité inférieure, produites par un horloger différant. Toute la question est donc de savoir, s’il y avait ou non un autre horloger, dont le nom ait volontairement été laissé dans l’ombre, et s’il y en avait un, pourquoi ne subsiste-il, aucune trace de son rôle. L’explication la plus probable, est que cet horloger n’a joué qu’un rôle mineur, si ce n’est aucun rôle dans cette affaire, et ait accepté dès le début, la condition draconienne de garder le secret le plus absolu et de renoncer à toute revendication potentielle sur ce brevet. Il est possible aussi, qu’un contrat à cet effet, ait été signé devant notaire. Quoi qu’il en soit, il convient de se souvenir, qu’il existe au moins la trace d’une controverse avec un autre horloger. Jean Chapelaine (1595-1674), dans une lettre à Christia n Huygens en date du 20 août 1659, mentionne cet horologeur de nôtre » qui s’efforçoit de vous la ravir. Les éditeurs des Œuvres Complètes, en tirent la conclusion, qu’il s’agit là, d’une référence à Isaac Thuret (c1630-1706), Ils ne produisent cependant aucune preuve, pour corroborer cette supposition  (14

Le seul document qui pourrait bien lever le mystère de ce premier horloger de Christian Huygens, est constitué par le dessin, qui a été soumis par Coster au jugement du Comité des Etats Généraux.

Malheureusement, comme le déplorait Drumond Robison(15 il y a 77 ans, ce dessin a été perdu et il n’en existe aucune autre copie …  à moins que, peut-être… ?

LES PREUVES NEGLIGÉES

On a longtemps considéré que la plus ancienne illustration d’une horloge à pendule de Huygens, a été publiée dans son Horologium de 1658. Cette illustration représente en fait son deuxième type d’horloge, avec échappement à verge vertical, engrenage « OP », afin de réduire l’amplitude du pendule, et l’absence de courbes cycloïdales. Cette horloge bat la demie seconde (fig1). L’autre illustration, qui a été publiée d’une horloge conventionnelle de Christian Huygens, est celle, bien plus connue, tirée de Horologium Oscillatorium, ouvrage publié 15 ans plus tard en 1673.



Fig. 1 (click to enlarge)
Première horloge à pendule de Huygens, telle qu’elle a été illustrée dans Horologium de1658.
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Elle représente une horloge qui bat la seconde, avec des courbes cycloïdales et un échappement à verge horizontal (fig2). On considère qu’il s’agit là, de la représentation d’un régulateur, destiné à l’usage personnel de Huygens au milieu ou vers la fin des années 1660. Il s’agit en fait d’une représentation de la première horloge à pendule de Huygens, produite en 1656/7. C’est probablement la copie du dessin original, qui accompagnait la demande de brevet. La preuve en a heureusement été préservée dans l’ouvrage de Benjamin Martin (1705-1784), Newtonian Mathesis (16 publié en 1764. Il avait certainement obtenu, d’une manière ou d’une autre, les gravures sur bois originales de 1657, qu’il avait reproduit avec la précision suivante:

« La construction pour l’application du pendule aux horloges, est maintenant quelque peu différente de celle qui illustrait l’invention originale de l’horloge à pendule de Monsieur Christian HUYGENIUS de Zulichem en Hollande, qu’il a décrit et publié pour la première fois, avec un dessin gravé sur bois en 1657 et qui peut à juste titre être considéré comme une des grandes curiosité de l’art et n’a jamais (à notre connaissance) été exposé à la vue d’un lecteur britannique, va être présenté ici, gravé sur bois, exactement à l’identique avec l’original. (fig.3)



Fig. 2 (click to enlarge)
Horologium Oscillatorium, (1673).
The plate from Benjamin Martin's copy.
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Cette gravure sur bois représente la même vue  latérale du mouvement, que celle qui est publiée dans Horologium Oscillatorium,  bien qu’elle soit d’une dimension différente,  et dépourvue du poids sur la tige du pendule, permettant un réglage de précision. Martin a tellement été enthousiasmé par cette découverte, qu’il a inscrit sur sa copie personnelle d’ Horologium Oscillatorium, avec au dessus de l’illustration la mention : « Huygenius’s Original Clock ».fig.4) (17



Fig. 3 (click to enlarge)
Newtonian Mathesis (1754).
A copy of Huygen's woodcut of 1657
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 Il ajoute aussi la date indiquée par Huygens lui même, en précisant : « 1657, first publish his clock », sans doute heureux des premiers mots de Huygens : Annus agitur sextus decimus ex quo fabricam horologium, gravés avec la date inscrite sur la figure. (fig. 5).



Fig. 4 (click to enlarge)
Benjamin Martin’s annotation above the plate of his copy of Horo/ogium Oscillalorium.



Fig. 5 (click to enlarge)
 
Benjamin Martin’s reckoning of the date on the title page of his copy of Horologium Oscilatorium.

Dans la mesure où Martin indique qu’à sa connaissance, cette gravure sur bois, n’avait encore jamais été vue par un lecteur britannique, il est possible de se demander si elle faisait bien partie de la vente aux enchères des affaires personnelles de Huygens, qui s’est déroulée en Hollande en 1754. Cette vente aux enchère comprenait entre autre, des lentilles de télescope, un planétaire, et une horloge, qui furent acquis par A.J. Royer, un petit neveu de Huygens, et qui furent légués en 1809 à l’université de Leyde (18

Le fait que Huygens ait choisi de représenter sa première horloge, dans un travail publié 16 ans plus tard, ne devrait pas être une surprise pour les historiens spécialistes de Christian Huygens. Il est admis depuis longtemps, que tout, sauf la dernière partie d’Horologium Oscillatorium, a été rédigé vers la fin de 1659 (19 Selon toutes probabilité, le premier chapitre a été commencé en octobre 1659 (bien que les informations concernant les essais en mer, soient d’une date postérieure). Il est manifeste que Huygens n’aurait pas commencé sa description de l’horloge, sans y joindre un croquis annoté. Vers 1659, avec sa découverte et la preuve de l’efficacité des courbes cycloïdales, il dévoile son horloge du deuxième type, avec engrenage OP (illustré dans « Horologium »), reprenant le dessin, tel qu’il était à l’origine. Il devait avoir de bonnes raisons d’utiliser le dessin de son horloge originale, probablement de celui là même, qui était joint à sa demande de brevet. La seule amélioration en effet, apportée à cette première horloge, étant parfaitement invisible, elle porte uniquement en effet, sur le profil des courbes, qui sont désormais parfaitement cycloïdales, ce qui est expliqué dans le corps du texte. Différentes preuves démontrent que le croquis utilisé à l’origine pour Horologium Oscillatorium, avait ultérieurement été modifié. La théorie comme la forme du contrepoids, permettant un réglage de précision, a été mis au point au début des années 1660. Ce petit contrepoids est indiqué par la lettre grecque Delta, (Δ) qui n’entre pas en séquence, avec les autres, ce qui montre bien qu’elle ne faisait pas parti du croquis d’origine. La graduation linéaire de ce poids, à l’extrême gauche (fif.1iv) de cette planche, semble de même être une addition postérieure. Leur description est contenue dans la quatrième partie, rédigée en 1664. Il est intéressant de remarquer que la gravure sur bois de Martin, ne comporte pas ce poids de réglage de précision. Il existe d’autres preuves, que le dessin original de la première horloge à pendule de Christian Huygens, avait déjà circulé avant la publication de Horologium Oscillatorium. Il apparaît en effet sur une gravure française de 1671 (fig.6). (20 Une pendule tout à fait semblable, dans laquelle la grande roue effectue une révolution complète en deux heures, est illustrée enfin, dans une lettre adressée en 1669  par Christian  Huygens à Canon Estienne (16 ??-1723). (21



Fig. 6 (click to enlarge)
A French engraving of 1671 showing Huygens’ clock which appeared 2 years later in Horologium Oscillatorium.

Dans la mesure où la thèse contenue dans cet article, a été pour l’essentiel, rédigée avant la découverte de l’illustration de Martin, ce n’est pas en raison de cette information, qu’il a été noté que l’horloge de Horologium Oscillatorium, présente tous les éléments permettant de penser qu’elle puisse être le tout premier prototype. Il y a des éléments qui n’apparaissent pas dans les reproductions postérieures : la lentille de balancier un forme de bateau, le pignon de la roue d’échappement d’un très grand diamètre, ainsi que le cadran tournant des secondes. Le fait aussi qu’il s’agisse d’une horloge à poids battant les secondes, sont autant de caractéristiques, qu’il est tout à fait normal d’attendre, de la part d’un homme tel que Huygens, désireux de tester ses théories sur les oscillations du pendule. Le fait même, que cette horloge apparaisse dans Horologium Oscillatorium, avec sa description détaillée dans le corps du texte, donne encore plus de sens au choix du dessin original, que s’il avait utilisé le dessin quelconque, d’une horloge postérieure. Si Huygens avait souhaité être cohérent avec l’état de développement de son horloge à la date de 1673, il aurait certainement choisi d’illustrer au contraire, un modèle doté d’un échappement à ancre.

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Notes:
A
Traduction d'un article dans le numéro Décembre 2008
d'Antiquarian Horology.
(retour au texte)
1.
Nijhoff, M. Oeuvres complètes de Christian Huyggens . La Haye 1932- Vol 2, p. 109 – Huygens donne la date « pour le premier modèle de ce type d’horloge » dans une lettre qu’il a adressée à Ismaïl Boulliau. (1605-1694.     (retour au texte)

Ismail Boulliau

 
2. Christiaan Huygens, Horologium (La Haye, 1658), P.4. (retour au texte)
3. Nijhoff, M. op.cit. vol. 2, p. 5 – Lettre de C. Huygens à Van Schooten du 12 janvier 1657. Voir également ibid. p.7, pour la lettre de Huygens à Mylon du 1er février 1657. Il exprime dans ces deux lettres, l’espoir que son invention permette de résoudre le problème du calcul de la longitude en mer, par la mesure du temps. (retour u texte)
4.

Le terme isochrone, s’entend ici pour désigner l’objectif à atteindre. Huygens à cette époque les façonnait de manière empirique, il n’avait pas encore calculé leur forme mathématique. (retour au texte)

5. Christian Huygens. Op.cit. p. 14, « Il n’aurait certainement pas été possible pour moi, d’observer quoi que ce soit de la sorte » Tel était le commentaire de Huygens, concernant la proposition de Wendelin, précisant que cette invention avait été testée par toutes les saisons.
(
retour au texte)
6. Nijhoff, op. cit. vol.2, p. 271 (retour au texte)
7. Nijhoff, O cit. vol.2, p. 166 (retour au texte)
8.

Huygens, O Cit. p.14 (retour au texte)

9. « atelier » est une traduction par Ernest L. Edwards, du terme latin « apud » qui est une préposition du cas accusatif, et qui peut avoir toutes sortes de significations, dont « dans la maison de », « dans le travail de », « parmi », « avant », « en présence de », etc… Il n’est pas certain dans ces conditions, que Huygens ait spécifiquement vu ces horloges, dans un « atelier », car il aurait pu tout aussi bien employer le mot « officina ». Cela peut avoir une certaine importance, selon l’endroit où ces horloges ont effectivement été vues par Huygens. (retour au texte)
10. Nijhoff, op. cit. vol.2, p.29 (retour au texte)
11. La signification précise du verbe « practiseeren » semble ici reposer quelque part entre « réalisé » et « utilisé ». Un compte rendu contemporain du meurtre de William the Silent, décrit ce fait (gepractiseert) par le terme « assassin » ! (retour au texte)
12.

Ce qui signifie : « conforme à l’original »., ce qui confirme l’impression, que l’horloge présentée par Coster au Comité, n’avait pas été faite par lui. (retour au texte)

13. Certaines des plaques ont l’expression « met privilège » ainsi que la date, gravées d’une écriture différente de celle de Coster, ces plaque semblent pourtant être originales. Voir à ce sujet l’ouvrage « Huygens Legacy », de van den Ende, Hans et autres. Fromanteel Ltd . Ile de Man, 2004, p. 25.(retour au texte)
14.

Nijhoff, M. op.cit. vol. 2, p. 29 (retour au texte)

15.

Drummond Robertson, J. « The évolution of Clockwork » London 1931, p 76.
(retour au texte)

16.

Martin Benjamin. « A New Comprehensive System of Mathematical Institutions Agreeable to the Present State of Newtonian Mathesis », Londres 1754, vol.2, pp.373-374. For Martin see, Milburn J.R. « Retailer of the Sciences », Londres 1986. (retour au texte)

17. Crommelin, C.A. « Descriptive catalogue of the Huygens Collection. » Leyde 1949 pp 22-23. (retour u texte)
18.  Joella C. Yoder, Unrolling Time (Cambridge, 1988), p.5.
19. Il est évident qu’on a utilisé des caractères plus petits dans la figure IV d’ Horologium Oscillatorium,  (retour au texte

Lulofs, Johan. « Waarneming van Mercurius op de schyf der Zon, den 6 Mey 1753, gedaan te Leyden » Haarlem 1754 pp.372-378. (retour au texte)
20. Van Gent,R.H. & Leopold,J.H. « Timekeepers of Leiden Observatory » Leiden 1992, p.43, note 37. (retour au texte)
21. Plomp, Reiner. « A Pendulum Clock Owned by The Danish Astronomer Ole Romer (1644-1710) « Antiquarian Horology », Vol. 30, Mars 2008, pp 624-628. (retour au texte)
22. Augarde, J.D. « Les Ouvriers du Temps » Genève 1996, p. 403. (retour au texte)
23.

Nijhoff, M. op.cit. vol. IV, p.110. (retour au texte)

24.

Nijhoff, M. op.cit. vol. V, p.267. (retour au texte)

25.

Plomp, Reiner, « A longitude timekeeper by Isaac Thuret with the Balance Spring invented by Christiaan Huygens » Annals of Science, 56 (1999) p.383 Van Gent, R.H. & Leopold, J.H. op. cit. , p.31. (retour au texte)

26. Yoder, Joella. Op.cit. p.31. (retour au texte)

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Par:
Jean Claude Sabrier &
Sebastian Whitestone.

Traduction d'un article dans le numéro Décembre 2008
d'Antiquarian Horology.
 

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 LES DEUX SEULES HORLOGES DE CE TYPE QUI ONT SUBSISTE.

L’exemplaire représenté sur la gravure sur bois de Martin (et bien entendu, celui de la planche d’Horologium Oscillatorium) représentent un modèle d’horloge, que seul Isaac Thuret semble avoir produit. Deux mouvements de ce type seulement, absolument identiques, sont actuellement connus. L’un d’eux, qui n’a par conséquent encore jamais été publié, est celui, qui a été découvert voici bientôt 30 ans par Jean-Claude Sabrier. L’autre est actuellement conservé au Musée Boerhaave de Leyde, en Hollande. (fig.7 et 8) et qui depuis très longtemps, est connu pour avoir été celle de Christian Huygens personnellement.
En 1754, Lulofs (1711-1768) écrit dans des observations rédigées à Leyde:

Le garde-temps que j’ai utilisé a été fait à Paris par Isaac Thuret sous le contrôle de Monsieur Huygens … (19

John Leopold comme Van Gent sont convaincus que cette horloge est une des deux qui ont été mentionnées dans l’inventaire de l’observatoire en 1706 (20. Si cela est exact, celle léguée à l’Université de Leyde , dans la succession de Royer en 1809, est une autre horloge. Le train de roues de l’horloge de Leyde, est identique à celui du croquis de Huygens, sauf que le rapport d’engrenage, entre la roue de champ et le pignon de la roue d’échappement, est de 40/20 au lieu de 48/24. Il existe selon Plomp, une autre horloge de Thuret dans une collection privée. Il y a enfin une horloge avec un train de roues très similaire, mais avec deux colonnes seulement, dans les collections du Ole Romer Museum, au Danemark. Cette horloge cependant n’est pas signée et pourrait bien n’être, qu’une copie danoise plus tardive de l’horloge du Musée Boerhaav (21.




Fig. 7 (click to enlarge)
The clock by Isaac Thuret, Museum Boerhaave, Leiden, inv.no.Vg854.



Fig. 8 (click to enlarge)
The back plate of clock by Isaac Thuret, Museum Boerhaave, Leiden, inv.no.Vg854.

Il y a une trentaine d’année, Jean-Claude Sabrier a été appelé pour examiner une horloge, retrouvée dans un grenier, enfermée dans un carton. Il a informé le propriétaire de la grande importance de cette horloge et l’a convaincu de ne surtout pas y toucher et encore moins de la restaurer. Il y a quelque mois, alors que nous étions en train d’écrire cet article, il est parvenu à convaincre l’actuel propriétaire de nous confier cette horloge pour que nous puissions l’examiner dans ses moindres détails et éventuellement, de la faire restaurer. Tous les détails de cette restauration sont consignés ci après.  Figs 9-23.


Fig. 9 (click to enlarge)
The Thuret clock discovered by Jean-Claude Sabrier, the case with opening door.
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La boîte est en laiton, avec la porte avant vitrée est montée sur charnières, le panneau du fond coulissant. Elle est fixée à angle droit par quatre vis sur l’arrière du cadran. La boîte est retenue au mur par des anneaux de fixation sur les faces latérales, et non sur le dessus. De grosses vis à tête pyramidale, permettent de régler leur écartement du mur.
Ses dimensions sont : 175 x 132 x 108 mm.

 Le cadran en métal argenté est en applique sur une "fausse plaque" de laiton doré . Aiguilles d'origine en acier bruni. Les cadrans annulaires sont vissée sur la "fausse plaque". Deux petits trous, de part et d'autre de la signature, permettent de penser que cette dernière, à une certaine période, a été dissimulée sous une plaque. Les dimensions sont de 235 X 192 mm.



Fig. 10 (click to enlarge)
Original hands.  (view high res. picture)

Son mouvement a un train de roues identique à celui du croquis de Huygens :. (see Fig. 2).

Train de roues:  
80

 Grande roue.

8

48

 Roue intermédiaire.

  8 48

 Roue de champs.

   24

15

 Roue d’échappement.
Pendule:   Coups 60 p/m.
Longueur nominale: 1 m.  (1 sec.)

Une poulie de 19 mm de diamètre, permet au poids de descendre de 143,3 cm en 24 heures.

La hauteur du centre de l’horloge pour 30 heures de marche, doit être d’au moins 180 cm, soit 6 pieds.

Des traces indiquent que le rocher de remontage a été déplacé derrière le cadran, à partir de sa place initiale, sur l’arbre de la grande roue, afin de permettre la mise en place d’un engrenage supplémentaire pour une plus grande autonomie de marche, ce qui a conduit à faire passer l’arbre de la grande roue à travers la platine arrière, pour engrener avec une roue qui a aujourd’hui disparue. Les poids, la poulie et le pendule ont également aujourd’hui disparus.



Fig. 11 (click to enlarge)
of the metal box case and dial.
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Fig. 12 (click to enlarge)
 Thuret clock, side view, metal box case,
hanging loops riveted to case sides.
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Fig. 13 (click to enlarge)
Thuret clock, back view, box case removed.
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Fig. 14 (click to enlarge)
Thuret clock, back of dial, case and movement removed.
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Fig. 15 (click to enlarge)
View of movement, note the crown wheel and large diameter pinion. Also note the hole in the first arbor originally used for the pin securing the driving pulley (now missing)
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Les Platines:

  Dimensions:

 arrière

  148,5 x 77 mm.

avant

  167,5 x 77 mm.



Fig. 16 (click to enlarge)
The outer sides of the back (left) and front (right) movement plates.
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Fig. 17 (click to enlarge)
The inner sides of the back (left)
and front (right) movement plates.
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Fig. 18 (click to enlarge)
Thuret clock. The wheels and pinions.
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Fig. 19  (view high res. picture)

To increase the duration between windings and allow for a lower positioning on the wall this pulley has subsequently been removed and the first wheel arbor extended through the back plate for an additional pinion. This pinion was driven by an extra wheel (now missing) situated between the bracket and the backplane, its arbor pivoted at the front in a small cock secured to the inside of the front plate. The arbor of this extra wheel carried the new, and probably larger, driving pulley. The lower position of this pulley was only accommodated by filing flats on the insides of the two lower pillars. The ratchet pulley mounted on the back of the dial may still be the original, but reversed.



Fig. 20 (click to enlarge)
The back-cock would have originally held a silk suspension (two threads) and the cycloidal cheeks.
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Une portion de tige filetée en laiton, retrouvée avec l’horloge, a été conservée, dans l’éventualité ou il s’agirait d’un segment du pendule d’origine. Il est cependant trop large pour pouvoir passer dans la fourchette du pendule, ce pourrait cependant être la section inférieure de la tige du pendule.



Fig. 21 (click to enlarge)
Pyramidal headed screws for adjusting
 the vertical position of the clock on the wall.
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TPI fig. Filetage
48   Support des roues   
32   Potence du bas
32 22 Coq arrière
32   Pont de la roue de minutes
32 23 Boîte (laiton)
20,5 21 Fond de la boîte.
23   Tige du pendule. (laiton)

Table 2 Filetage des vis
Inch/Pouce traditionelle = 27.07 mm.
 



Fig. 22 (click to enlarge)
Vis coq arrière
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Fig. 23 (click to enlarge)
Case securing screws.
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Deux trous de vis dans la plaque du cadran, de part et d’autre de la signature, méritent d’être signalés, car ils pourraient bien indiquer que la signature a été recouverte, à une certaine période, par une plaque. Le fait de dissimuler le nom de Thuret, correspond bien avec le tempérament de Huygens et son goût du secret. Il est tout à fait possible, dans ces conditions, que les deux horloges aient appartenues à Huygens et il n’y a aucune raison de penser qu’elles n’ont pas été produites à la même date que la gravure sur bois de 1657.

Compte tenu de leur description dans des articles précédents, les qualifiant de régulateurs astronomiques, il est important de se souvenir, que toutes les horloges à pendule expérimentales de cette époque, conçues pour être testées avec précision, devaient impérativement être réglées par référence à des observations astronomiques et par conséquent devaient impérativement avoir un cadran de type régulateur, permettant une lecture précise des heures, des minutes et des secondes

ISAAC THURET

Isaac Thuret est né à Senlis ver 1630, dans une famille protestante. Il s’est rapidement fait de très nombreuses relations dans la bonne société. Sa sœur Susanne a épousé Charles François Sylvestre , Maître de dessin des Enfants de France et son fils Jacques, s’est marié avec la fille de Jacques Bérain, le célèbre ornementaliste de la cour de Louis XIV. (22
A l’âge de 25 ans, Thuret est rapidement devenu le plus éminent des horlogers français. Il n’est donc pas étonnant, que Christian Huygens ait pris contact avec lui dès sa première visite à Paris en 1655. Huygens a passé en France quatre ou cinq mois à l’automne de cette année là, la plupart du temps à Paris. Le nom de Thuret n’est pourtant pas mentionné avant  1662 dans la correspondance de Christian Huygens publiée dans les Oeuvres Copmplètes, quand ce dernier appris que son père avait été impressionné par des horloges de Thuret et demanda à son frère Lodewijk, dans une lettre en date du 12 avril :

« Comment les horloges de Thuret sont-elles faites pour que mon père ait payé 10 ou 12 pistoles et les préfère aux siennes ? Si nous pouvions savoir comment elles sont faites, nous pourrions former les horlogers d’ici" (23 

Cette phrase a été interprétée comme une absence de relations entre Huygens et Thuret, car elle semblait indiquer qu’il cherchait à s’informer sur le travail de ce dernier. Cependant, la lecture complète du passage en question montre qu’il s’agit en fait d’une demande de renseignement sur un type d’horloges, bien particulier, pour lesquelles les compatriotes de Huygens, sous son patronage, étaient en compétition directe. Huygens répond ici à un commentaire antérieur et prend avantage du fait que son frère soit installé à Paris. En tenant compte aussi des conflits d’intérêts de Christian Huygens, la requête de sa lettre n’est pas surprenante et n’exclut pas, qu’il y ait pu y avoir par le passé, une étroite collaboration entre Thuret et lui même.

La référence suivante concernant Thuret, toujours dans la correspondance familiale, est intervenue bien plus tard, en 1664, et concerne l’envoi par Pascal Hubert à Thuret, d’une horloge pour réparation.

En 1665, Jean Chapelain (1595-1674) écrit à Huygens à propos de la dernière horloge à remontoir d’égalité pour laquelle un brevet français a été accordé :

« Monsieur Thuret, cet excellent horloger, dont vous m’avez dit tant de bien, m’a rendu visite hier pour m’offrir ses services à propos de la construction d’horloges destinées à être utilisées à bord de navires, comme pour leur vente et leur distribution  (24



Jean Chapelain (1595-1674)



Christiaan Huygens (1629-1695)

Chapelain était autorisé à faire usage du brevet pour le compte de l’inventeur et c’est probablement pour cette raison que Thuret a été amené à faire à faire cette approche indirecte à l’occasion d’une visite, qu’il lui avait faite pour prendre le thé. (Chapelain lui avait dit : Je suis le responsable pour le nouveau brevet pris par Huygens, Thuret lui répondit : dans ces conditions, demandez lui de bien vouloir envisager de m’en confier la fabrication. Deux semaines plus tard Huygens avait donné une suite favorable à sa requête.

En 1666, Huygens est allé s’installer à Paris et selon toute vraisemblance, a continué à employer Thuret. Quoi qu’il en soit, l’épisode suivant des Œuvres Complètes, les impliquant tous les deux, concerne leur collaboration et la controverse qui s’en suivit en 1675, à propos de l’invention du spiral réglant, mais cette affaire est en dehors du sujet de cet article.

CONCLUSION

L’horloge illustrée dans Horologium Oscillatorium a toujours été, sans aucune contestation, attribuée à Isaac Thuret  (25 bien que personne alors, n’avait encore réalisé, qu’elle avait été produite à une date si ancienne. Il n’y a aucune raison de revenir sur cette attribution. Bien au contraire, Huygens avait parfaitement eu l’occasion de rencontrer Thuret à Paris à l’automne de 1655. Huygens est personnellement impliqué dans la fabrication de l’une des horloges à pendule qui ont subsisté jusqu’à nos jours et les deux exemplaires qui ont été décrits ci dessus, paraissent aussi anciens, si non plus, que celles de Salomon Coster. Pour être parfaitement honnête, il est possible de se demander, les raisons pour quelles, ces horloges auraient pu avoir été copiées sur la représentation qui en avait été faite, publiée dans Horologium Oscillatorium, plutôt que l’inverse. Cependant, l’horloge représentée sur la gravure, comme les recherches conduites par Huygens au début de l’année 1657, révèlent le travail d’un horloger et la recherche de quelqu’un d’autre aurait été faite en pure perte. Selon toute vraisemblances, Thuret initialement, n’avait pas l’autorisation de fabriquer ces horloges, pour quiconque autre que Huygens et à l’époque où cette interdiction a été levée, leur forme avait évolué considérablement, par rapport au dessin de l’horloge originale. Le dernier problème concerne le fait que le nom de Thuret, n’apparaît dans les Œuvres Complètes, que sept ans après sa toute première visite de Huygens à Paris. Selon toute probabilité, Huygens a tout fait pour conserver secret le nom de Thuret, comme sa contribution à sa découverte. Cependant, il est très important de distinguer les limites entre les Œuvres Complètes de Huygens, prise dans leur ensemble, et ce qui subsiste de sa correspondance. Ceci est un exemple caractéristique d’un cas, où l’absence de preuves, ne constitue pas par lui même, une preuve d’absence. Comme c’est souvent le cas, il n’est pas connu, comment Huygens a compilé, et par la suite publié, sa propre correspondance. Il est certain qu’elle est loin d’être complète. Où se trouve entre autre la partie commerciale de cette correspondance ? A-t-il par la suite pour la postérité, volontairement retranché de cette correspondance, ce qui pouvait prêter à contentieux ou lui être défavorable ?
En dehors de son goût légendaire pour le secret, un autre aspect des méthodes de Huyghens, permet de comprendre le changement dynamique de ses rapports, tant avec son invention, qu’à l’égard de Thuret, c’est la rapidité avec laquelle il a progressé à travers ses projets successifs. Cette progression doit considérée dans le cadre de ses nombreuses recherches scientifiques. Bien naturellement, dans le domaine de l’horlogerie, sa priorité majeure, était d’éliminer toutes irrégularités et cela impliquait entre autre, qu’il devait commencer avec des horloges à poids. Au début de 1657, alors qu’il se préparait à franchiser différents models d’horloges plus ou moins précises, à usage domestique, il travaillait déjà certainement en secret, à une horloge marine à ressort, telle que celle mentionnée plus haut, dans une lettre, qui lui avait été adressée par Mylon. Huygens était manifestement convaincu de pouvoir résoudre le problème posé par l’usage d’un pendule en mer, peut-être envisageait-il d’employer une boîte avec suspension à cardan. Pour les chronomètres de marine, sa préférence allait aux barillets dentés, sans fusée. Bien qu’il vantait la capacité de son pendule isochrone pour compenser les variations de la force motrice des barillets dentés, sa raison principale pour supprimer la fusée, était le manque de tension du ressort, pendant le remontage. Il se rendit compte cependant, que ses courbes isochrones, si elles remplissaient parfaitement leur office, quant elles étaient utilisées sur une horloge murale, modifiaient la longueur du pendule, dès que l’horloge n’était plus parfaitement verticale. Ceci l’amena vers la fin de 1657 ou au début de 1658, à développer son horloge à pendule battant la demie seconde, avec une amplitude avec un engrenage OP. Ce type d’engrenage permet d’éviter d’utiliser des courbes cycloïdales pour limiter l’amplitude des arcs du pendule. Cette seconde horloge devait dans ces conditions, avoir été développée avec pour objectif un usage en mer. De nouveau, Huygens commença les essais de ce nouveau type d’horloges horloges, dans une version avec des poids pour force motrice, et il est probable qu’il se rendit compte, que ses performances étaient insuffisantes pour un usage en mer Il réalisa probablement alors, que pour les horloges marines une nouvelle approche du problème devait être envisagée pour atteindre ses objectifs.

En novembre 1659, Huygens développa une horloge à pendule conique, () qu’il utilisa dans le but de définir de nouvelles valeurs pour la constance de l’accélération gravitationnelle. L’horloger qui a construit ces nouvelles horloges n’est pas connu, mais il est absolument certains, que ces horloges à pendule conique, ont existé (26 L’absence de toute information les concernant dans Les Œuvres Complètes, démontre une fois encore, que ce document ne peut pas être considéré comme exhaustif. Compte tenu de son emploi du temps particulièrement chargé, comme des fréquents changements qu’il a été contraint d’y apporter, il est tout à fait possible que Huygens ait été contraint de renoncer provisoirement à un horloger aussi éloigné de son domicile dès le début des années 1660, si ce n’est déjà un peu avant. L’absence du nom de Thuret dans les papiers de Huygens, est sans aucun doute principalement dû au fait que Huygens n’avait aucun intérêt, à associer le constructeur, à la renommée que lui assurait son invention. Au moins deux horloges de Thuret ont été privées pendant 350 ans, de toute reconnaissance. Ce sont les sœurs de sa première horloge à pendule et les exemplaires les plus anciens, qui ont subsistés, illustrant sa théorie complète sur l’horloge à pendule. En cette qualité, elles comportent les éléments déterminants, d’une prodigieuse et immortelle révolution scientifique.

REMERCIEMENTS

Nous souhaitons exprimer toute notre gratitude à Andrew Crisford, qui nous a permis de consulter dans sa bibliothèque, les œuvres de Benjamin Martin, où nous avons trouvé les preuves concluantes de ce que nous avançons.



March 2009, Copyright:

Jean Claude Sabrier.
Sebastian Whitestone.

LIENS

Chr. Huygens' Œuvres Complètes. (pdf)

Chr. Huygens Horologium 1658. (pdf)

The Antiquarian Horological Society.

(This article is subject to ongoing revisions.)
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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